Statut fiscal : Gain juridique pour un consultant indépendant à client unique
La micro-entreprise Pragma Services Conseils obtient gain de cause contre Revenu Québec qui considérait le travail du consultant Simon Laverdière chez un client unique comme celui d’un «salarié déguisé». Son avocat explique les différences entre la cause et celle de T.A.P. Consultant, qui a fait l’objet d’un jugement similaire.
Pragma Services Conseils, une petite entreprise de Québec qui fournit des services-conseils en technologies de l'information et Simon Laverdière, qui exploite ladite entreprise, ont remporté une cause contre l'Agence du revenu du Québec devant la Cour du Québec le 31 octobre 2011. Le jugement, rendu par le juge Antonio De Michele, n'a pas été contesté par Revenu Québec à l'intérieur des délais prescrits par la loi.
La cause Pragma Services-conseils inc. c. Agence de revenu du Québec portait sur trois requêtes en appel de cotisations fiscales où Revenu Québec avait statué, en 2008, que Pragma Services Conseils avait oeuvré à titre d'entreprise de prestation de services personnels et non à titre de petite entreprise indépendante auprès de l'institution financière Desjardins au cours des années financières 2004 à 2007. Chez ce client, M. Laverdière procédait au développement d'un système de carte à puce.
Revenu Québec avait attribué le statut d'entreprise de prestation de services personnels à Pragma Services Conseils parce qu'il considérait que son propriétaire et employé unique, M. Laverdière, «pouvait raisonnablement être assimilé à un employé» de Desjardins lorsqu'il effectuait des mandats pour ce client à Montréal. Ce statut avait mené à un refus de remboursement de plusieurs dépenses qui étaient liées entre autres à l'hébergement et au transport de M. Laverdière ainsi que l'imposition de cotisations fiscales plus élevées à Pragma Services Conseils.
Or, les arguments fournis par Pragma Services Conseils et M. Laverdière ont incité le juge De Michele à ordonner l'annulation des avis de cotisations que Revenu Québec avait imposés aux demandeurs, et ce, pour cause de non-fondement.
Jugement sans précédent
Me Patrick-Claude Caron, qui a représenté Pragma Services Conseils et Simon Laverdière devant les tribunaux, affirme que le jugement constitue un précédent au Canada. Selon l'avocat, le litige différait de celui qui opposait la firme T.A.P. Consultant à Revenu Québec, pour lequel un dénouement favorable à T.A.P. Consultant est survenu il y a quelques mois.
«La question était de savoir si la micro-entreprise exploitait commercialement son exploitation, explique l'avocat. Dans le cas de T.A.P. Consultant, on avait des indices assez visibles, comme la desserte de plusieurs clients et un risque économique de pertes financières lors de l'absence de travail. Dans le cas de Pragma, on a eu plutôt un long fleuve tranquille pendant cinq ans où on avait le même client, pas d'inter-mandats et l'absence de plusieurs clients en même temps. C'est la différence fondamentale entre les deux décisions», indique Me Caron.
«Dans un contexte factuel très inhospitalier, nous avons réussi à démontrer que nous étions en présence d'une entreprise», ajoute Me Caron, en affirmant que cause impliquant Pragma Services Conseils constituait en quelque sorte un «cas plancher».
«Comment peut-on avoir une situation plus difficile à présenter devant un juge? Je ne sais pas», dit-il.
Me Caron relate que le juge De Michele a étudié cinq critères afin de statuer si Pragma Services Conseils constituait bel et bien une petite entreprise indépendante. Au terme de l'examen de ces critères, le juge a rendu un jugement en faveur de la firme de services-conseils.
Répercussions inconnues
Selon Me Caron, «des centaines de personnes morales» dans l'industrie des technologies de l'information et des communications pourraient être affectées de façon favorable par le jugement qui a été rendu par la Cour du Québec. L'avocat ajoute que chaque entreprise devra évaluer sa situation afin de voir si une démarche de contestation doit être amorcée.
En ajoutant que la réaction officielle des autorités gouvernementales se faisait attendre, l'avocat dit avoir eu vent que Revenu Québec aurait commencé à «décotiser» des entreprises et que le ministère aurait renoncé à en poursuivre d'autres.
Pour sa part, le propriétaire de Pragma Services Conseils, Simon Laverdière, s'est dit soulagé par le dénouement de ses démarches juridiques. Or, M. Laverdière indique que des consultants qui avaient amorcé des procédures de contestation auraient été informés par le ministère que «leurs dossiers avaient été fermés». Ces fermetures de dossiers auraient été révélées lorsque ces consultants, qui n'avaient pas encore reçu des documents demandés à Revenu Québec, auraient contacté le ministère afin de savoir où en était rendu le traitement de leurs requêtes.
«J'ai entendu dire qu'une directive interne au ministère demandait qu'on prenne la jurisprudence et qu'on l'applique aux dossiers ouverts, déclare M. Laverdière. Cela ne veut pas dire que cela règle tous les cas, mais des critères ont été clairement définis par la jurisprudence. Il ne reste pas beaucoup de critères qui n'ont pas été adressés.»
M. Laverdière ajoute qu'il connaît beaucoup de consultants qui, lorsque confrontés à un changement de statut de la part de Revenu Québec, avaient cessé les activités de leurs compagnies ou accepté de payer les nouvelles cotisations.
«À la suite de notre victoire, des gens sont un peu embêtés d'avoir pris leurs décisions. Certains n'avaient pu se défendre parce [les nouvelles cotisations imposées par Revenu Québec] avaient épuisé leur fonds…», mentionne-t-il.
Au moment de mettre en ligne, une porte-parole de Revenu Québec avait confirmé la réception de questions formulées par Direction informatique à propos des conséquences que pourrait avoir le jugement sur les litiges qui ont été déjà traités. La porte-parole a indiqué que des réponses à ses questions devraient être fournies sous peu. |